POEMES DE JEUNESSE
Elle a retiré la poupée
de sa garde-robe
au dessin roues de citron
pour fructifier
ses amours secondaires
un ticket jaune pour cela
et elle a détaché le cordon ombilical de ses poignets
et de ses cornets inaudibles.
***
L'eau propose un secret un secret ment un objet
un objet se crispe dans mes doigts qui se tournent
sur les murs n'est plus rien qu'une ombre
ça se cloue celui qui se pend les pleurs
poussent sur les champignons comme les yeux
d'un visage les nuages se balancent
sur le fil d'horizon
***
A-t-il conscience de la vacuité de se perdre
avec la perche aux étoiles
dans le blanc des yeux fait front
une immortelle négligée ?
***
Les coudées franches du brun
soleil réunissent des noeuds
coulants d'ortie fraîche
la laie au museau de trottoir
provoque le rouge du sang aux lèvres
et le maxillaire droit de l'ovaire éclate
en cent prés-salés
et mon coeur cesse de battre ce sang qui efface
à rebours les saules d'une panne générale
le tablier de mes parties catalyse
au centuple le temps gris
***
Ils dégustent des cratères culinaires
grâce à leurs sylllabes prononcées
qui agissent comme l'érosion
d'un je t'aime au fond d'une bouche
près d'un radiateur dentaire
et près le couvercle de la langue
ils jettent leurs économies
leur lumière paralytique
et leurs jouets qui ont des larmes-rosée aux yeux
ils s'appellent les débauchés du silence
***
Il a fallu que mon corps
investi par la crainte
brûle les dernières étapes de sa vie
que mon corps l'étranger
remue ses propres sillons de chair
au milieu de ses chers souvenirs
de chair la chair qui porte
l'empreinte d'une blessure une plaie
à peine gommée
à peine effacée
par la craie des déserts vides
il a fallu que l'eau qui coule
sans cesse dans ma bouche
déborde de son lit
il a fallu que mes ombres
me quittent pour un autre départ
pour que je meure à compte-goutte
en dénombrant
mes pierres à ricochet sur le miroir
du fleuve isolé de ses ténèbres
en imitant le cri de l'oiseau
dont les plombs
du chasseur
ont découpé une aile minuscule
sur les flancs
un point de sang
sur la blancheur
qui décroît
Extraits de "Le vertige des abîmes où le fil de la mémoire nous étrangle"
Inédit, Juin 1983
ERIC DUBOIS