Les tribulations d'Éric Dubois.

MORT S.D.F - UN POEME INEDIT DE CHARLES DOBZYNSKI

27 Novembre 2009, 18:36pm

Publié par ERIC DUBOIS




Un mort

S.D.F.

m’accoste :


On ne m’accepte

dans aucun cimetière

sans passeport ni visa

ni visage

légitime

pour franchir ta frontière.

Je suis délocalisé

délégalisé

mort démoralisé

moi qui espérais qu’on m’accorde

l’hospitalité des racines

depuis longtemps pourries

de mes parents

sous l’aile dévastée mais secourable

de mon origine perdue.


Or ne pas habiter Paris

de mon vivant

au terme de la loi

qui scalpe les affects

m’exclut d’y vivre ma mort

m’interdit cette escale

de l’au-delà.


Il est tant de lieux affectés à l’inhumanité

quand les lieux d’inhumation affichent complet

pour les cadavres

non enregistrés au cadastre

et l’on ne prévoit aucune séance

de rattrapage mortuaire

dans ce cinéma sans quartier

où l’on travaille au noir


la finition du deuil.

Pas un strapontin libre pour

les retardataires les réfractaires.


Ça passe ou ça casse

moi je me casse

dans les exils d’avant les juifs

dans les ailleurs d’avant les os

dans les eaux d’avant le déluge

où je demanderai droit de passage à Noé

si son Arche n’est pas encore surbookée

d’animaux humains

et d’humains écorchés de leur humanité.


Que lui répondre

moi l’accueillante

à tous les mots à tous les morts ?

Mais il lui reste

la solution finale :

se changer en poignée de cendres

et l’urne funéraire

lui servira d’arche

pour voguer vers l’éternité.

 

 


Charles DOBZYNSKI

novembre 2009

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