MORT S.D.F - UN POEME INEDIT DE CHARLES DOBZYNSKI
Un mort
S.D.F.
m’accoste :
On ne m’accepte
dans aucun cimetière
sans passeport ni visa
ni visage
légitime
pour franchir ta frontière.
Je suis délocalisé
délégalisé
mort démoralisé
moi qui espérais qu’on m’accorde
l’hospitalité des racines
depuis longtemps pourries
de mes parents
sous l’aile dévastée mais secourable
de mon origine perdue.
Or ne pas habiter Paris
de mon vivant
au terme de la loi
qui scalpe les affects
m’exclut d’y vivre ma mort
m’interdit cette escale
de l’au-delà.
Il est tant de lieux affectés à l’inhumanité
quand les lieux d’inhumation affichent complet
pour les cadavres
non enregistrés au cadastre
et l’on ne prévoit aucune séance
de rattrapage mortuaire
dans ce cinéma sans quartier
où l’on travaille au noir
la finition du deuil.
Pas un strapontin libre pour
les retardataires les réfractaires.
Ça passe ou ça casse
moi je me casse
dans les exils d’avant les juifs
dans les ailleurs d’avant les os
dans les eaux d’avant le déluge
où je demanderai droit de passage à Noé
si son Arche n’est pas encore surbookée
d’animaux humains
et d’humains écorchés de leur humanité.
Que lui répondre
moi l’accueillante
à tous les mots à tous les morts ?
Mais il lui reste
la solution finale :
se changer en poignée de cendres
et l’urne funéraire
lui servira d’arche
pour voguer vers l’éternité.
Charles DOBZYNSKI
novembre 2009