QUESTIONS A ... MURIELLE COMPÈRE- DEMARCY
Questions à... Murielle Compère-Demarcy (ex-MCDem.)
Comment avez-vous découvert la poésie et les poètes ?
J'ai découvert la poésie au lycée, grâce à un professeur de français. Aube de Rimbaud, le premier texte à commenter, m'a emportée alors dans son wasserfall blond, la chevelure de ses cataractes et dans ses ouvertures vers la lumière, jusqu’à toucher puis approcher l’altitude étale et profonde du jour. Des haleines tièdes qui s’éveillent, des pierreries regardèrent, … Juste en aval –instant d’éternité- des premiers oriflammes de nacre (Eric Dubois in Le Cahier) allumés par le point du jour. Toute une synesthésie cosmique et sentimentale, cette correspondance entre le lever d’un nouveau jour, symbolique par la permanence de l’étonnement à l’œuvre dans le courant de toute innovation / de toute fraîcheur retrouvée parce que créatrice. Il convient d’être à l’écoute ; aux aguets. Le regard guide le tracé immanent et éminent de nos gestes, actes et paroles signés dans la profondeur et l’apparente insouciance de l’aléatoire. L’Aube signe tout projet avant même que le contrat ne soit rempli, parce que nous ne connaissons pas d’avance où nous mènera le chemin. Les sentes et les traverses sont à la mesure de nos possibles ouverts chaque matin par l’horizon. Aube : comme une apparition. L’aube, dans la beauté et les gestes inédits d’un jour / d’une œuvre / d’un poème toujours à écrire : à réaliser. L’aube comme une prière dans le texte incantatoire récité en même temps que réinventé au fil du chapelet de l’espoir. Une ascension sans cesse recommencée, innovée jusqu’au zénith symbolisé par le coq d’un clocher, la présence gardienne et protectrice de la déesse, jusqu’à la chute de l’enfant à midi au bas du bois, qui renaîtra, le même mais autre, à l’aube prochaine…
Ce poème en prose issu des Illuminations fut une révélation. La première entreprise fut une fleur qui me dit son nom ouvre les perspectives de chaque commencement sans cesse renouvelé (l’aube), de chaque amour (l’Aube), de chaque création entreprise par le Langage.
Je n’ai jamais cessé d’écrire depuis que cette Aube de Rimbaud m’a ouvert ses bras (pour reprendre les mots donnés à la déesse par le poète lui-même) pour m’entourer et m’attirer vers ses lueurs d’espoir faiblissantes et toujours renaissantes.
Ci-Sur-Gît toujours / le Poème---
La Prose du Transsibérien de Blaise Cendrars a terminé pour moi cette année-là d’ouverture à la poésie de tracer le chemin que j’allais explorer.
Paris-Tambouctou / Pa-ris-Tam-bouc-tou / Pa-ris-Tam-bouc-tou…, repris à l’infini dans le rythme du train-trame-rails de la vie---
Quels poètes aimez-vous et pourquoi ?
Ceux qui aiment la vie.
Et donc ceux qui la revivent plus fort en sachant tailler dans la robe de son Mystère leurs beaux coups de patte de scalpel / de burin / leur ciseau de sculpteur du Langage sans cesse à re-travailler.
J’aime les poètes du rythme –comme les poètes américains de la Beat Generation, Allen Ginsberg, Jack Kerouac, …
J’aime et je suis de près, avec assiduité, les poètes contemporains dont le travail d’écriture expérimente en le renouvelant comme un grand corps à ré-oxygéner / d’un sang neuf à transfuser le champ initiatique mais jamais ésotérique du Langage qui nomme les choses et les engendre –les enfante pour la Langue- une seconde fois –du ventre du cri d’où l’on est jeté au monde.
J’aime les poètes qui m’emportent dans la fluidité de leur marche, qui me nourrissent de leurs images, les poètes à lire à voix haute aussi.
J’aime un poète qui, avec une économie verbale tel un ouvrier avec peu de matériaux, sut écrire et donner à voir simplement mais avec quelle intensité : Pierre Reverdy. Il touche par la sobriété de ses mots, l’emploi du pronom impersonnel, d’adverbes, de locutions aux tournures impersonnelles, au plus profond, au plus noir et au plus lumineux, voire brûlant, de chacune de nos singularités. Un réveilleur / un veilleur d’âmes, je trouve. Des impressions universelles formulées dans un style poétique personnel qui résonne en plein cœur de chacun(e) de nous.
Depuis quand écrivez-vous de la poésie ?
Depuis les années Collège.
J’ai commencé à écrire en prose, de courts textes de veine imaginaire. J’aimais jouer avec les mots et qu’une histoire naisse du langage même. Jean Giono a très bien parlé de cela (dans Que ma joie demeure, me semble-t-il, des pages métaphoriques sur l’aventure scripturaire).
Depuis quand publiez-vous ?
J’ai commencé de publier en 1991, dans une revue polypoétique parisienne dont la richesse provenait des interférences opérées entre la science et la poésie. Des apports expérimentés au niveau du Langage, à la fois dans le champ de l’investigation scientifique et dans celui des recherches poétiques. Des univers retrouvés sur le même terrain de la recherche poétique au sens étymologique, des interrogations poéthiques aussi –la poésie est par essence d’actualité et est engagée- et de l’imagination créatrice.
Comment définiriez-vous la poésie ?
La poésie en trésor partagé au pied de l’arc-en-ciel.
Les approches allument sans cesse des feux amplificateurs / protecteurs / raviveurs du "se sentir vivre".
La définition de la poésie ? -"La plus belle entreprise fut une fleur qui me dit son nom".
Arthur Rimbaud, Aube in Illuminations---
Murielle Compère-Demarcy
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Vous pouvez lire ses textes dans la revue culturelle en ligne Le Capital des mots :
http://www.le-capital-des-mots.fr/search/mcdem/
(NDLR)