DANS LE MIROIR D'OR DE SABINE DEWULF
A lire l'article de Sabine Dewulf à mon propos, sur sa page Facebook " Le miroir d'or de Sabine Dewulf " accompagné de photos et d'extraits .15 Décembre 2019. Merci beaucoup, cela me touche et m'encourage à continuer à écrire tout simplement !
ERIC DUBOIS
Dans ses ouvrages, le poète Eric Dubois pose devant nous une matière de mots sculptée, bien découpée. Il procède par assertions successives, en une sorte de développement qui n’est pas courant dans l’univers des poètes. Ces affirmations ont à la fois la force des aphorismes et l’ambiguïté féconde des images poétiques. Le titre du recueil que je présente ici est lui-même déjà une assertion qui fonctionne de la sorte : « Chaque pas est une séquence », Éditions Unicité, 2016. Le mot « pas », assorti de son déterminant, indique une singularité et une ponctualité radicales, mais son attribut, « une séquence », vient briser ce caractère précis, non pour le détruire mais pour le féconder.
Très souvent, ce poète nous propose des définitions : « dire est l’écho oublié », « la mémoire est un objet neutre », « le vent est une langue », « Nous sommes les enfants de la mémoire », « Nous sommes des tables qui tournent »… Et chaque fois l’attribut vient ouvrir le sujet grammatical, lui permettre de semer ce qu’il porte en secret, que nous n’avions pas vu ni pressenti : « Tous ces mots enfermés que la langue libère », « Tous ces possibles / dans le jeu collectif du monde »... Là est le secret ou la « séquence » présentée dès le titre : chaque geste est relié à un autre, comme chaque mot, chaque temporalité aussi : « L’habitude est un doux mystère »… « Le temps s’apprend en silence / chanson de geste »…
Ouvrir de tels liens (collectifs et j'allais dire : immémoriaux) dans l’alignement des vers crée un effet d’éclosion ou de surprise et, en même temps, une musique monocorde, rigoureuse, qui l’adoucit pour l'aplanir, permettant à l'écriture comme à la lecture d’avancer dans une forme de sérénité. Le lecteur qui aura découvert, chez le même éditeur, le récit autobiographique poignant d’Eric Dubois, « L’Homme qui entendait des voix » (2019), ne sera pas étonné par ce double mouvement. Les révélations que contient cette narration sur les épreuves intérieures vécues par l’auteur, si douloureuses soient-elles, sont là aussi tempérées par l’absence de pathos, le souci de l’exactitude, la franchise et la clarté du propos. Le langage d’Eric Dubois, qu’il soit en prose ou en poésie, me fait penser à un bloc solide de calcaire ou de marbre que vient tailler, modeler, lézarder, l’étrangeté qui fait de nous des êtres à part… comme venus d’ailleurs… La singularité existentielle d’Eric Dubois, à découvrir dans son récit, n’étant qu’une image exacerbée de chacune des nôtres.
Paradoxalement rassemblés par nos failles – si l’on regarde tout au fond de celles-ci, ne verrons-nous pas le même vide ?-, ici avançons-nous, ensemble, dans la lecture, devenus pas à pas plus conscients de tout ce qui nous unit aux autres et aux choses, passées, présentes ou à venir : ainsi réunis grâce aux brèches par où passe et jaillit la lumière. A découvrir !
SABINE DEWULF